Enquête : En prison, j’ai côtoyé la mort !

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Serge Jean, un jeune garçon de 29 ans, a passé 20 mois dans la prison civile du Cap-Haïtien, sous le chef d’accusation « d’abus de confiance » sans avoir été jugé. Il avoue avoir connu des moments noirs dans sa vie.

Cap-Haïtien, le 8 aout 2019.- Serge Jean* marchait paisiblement dans les rues quand soudainement un véhicule de police s’est arrêté devant lui. Des hommes encagoulés ont descendu du véhicule, l’ont emmené de force. Il a été arrêté, sans mandat, un dimanche 19 novembre 2017, vers les 7 heures du soir, à la rue 24 F, au centre-ville du Cap-Haïtien, Département du Nord d’Haïti.

Conduit par devant le commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance du Cap-Haïtien, Serge Jean* a été envoyé directement en prison, sous le chef d’accusation ‘’d’abus de confiance’’.

« J’avais un contrat avec la direction du lycée du Cap-Haïtien pour la confection de maillots. Le Directeur m’a fait arrêter injustement, parce que j’avais un retard dans l’exécution du contrat » a-t-il fait savoir.

« Quand j’étais par devant le Commissaire du Gouvernement, il m’a fait savoir que c’est un dossier complexe et qu’il ne pouvait pas me relâcher. Sans avoir eu droit à un avocat et sans passer par devant un juge, il m’a envoyé directement pourrir en prison », explique Serge.

« On m’a enfermé sous un faux nom François Elysée » poursuit Serge qui sera libéré le 19 juillet 2019, après 20 mois d’emprisonnement. « Quand j’ai été arrêté, ma fiancée venait tout juste de mettre au monde mon bébé. Je n’ai pratiquement pas connu les deux premières années de mon garçon », racontre Serge d’un visage anéanti qui avoue par ailleurs qu’il a pu recouvrer sa liberté grâce à Me. Indy Michel, un avocat du Bureau d’assistance légale (BAL) du Cap-Haïtien. « Un jour, Me. Michel faisait une visite dans la prison civile, il m’a rencontré. Je lui ai raconté mon problème et il a tout de suite pris en charge gratuitement mon dossier », explique Serge qui affirme en outre n’avait pas les moyens de se payer les services d’un cabinet d’avocats.


Serge Jean, âgé aujourd’hui de 29 ans, avoue avoir perdu près de deux années de sa vie durant lesquelles il a vu la mort en face. Il explique avoir subi toutes sortes d’agressions, et connu des moments noirs en prison. « Tu vois, les eaux sales et puantes qui coulent dans les canaux, ce sont ces eaux que j’ai dû boire et avec lesquelles que j’ai fait ma toilette pendant un certain temps dans la prison » raconte-t-il au rédacteur de Vant Bèf Info (VBI), en laissant couler des larmes.

Me. Indy Michel a fait savoir pour sa part que le dossier de Serge Jean a été traité dans un mois environ grâce à un accord de désistement paraphé entre les deux parties.

« La prison ce n’est pas un endroit pour les humains. N’’était-ce l’intervention de Me. Indy Michel de BAL, je serais encore derrière les barreaux ou peut-être dans un cercueil. » a dit Serge.


« Si on me demandait de recevoir deux balles et d’aller souffrir à l’hôpital ou de passer un seul jour en prison, je choisirais les balles », a lâché Serge Jean.

Ruben DUMONT, Journaliste investigateur
Vant Bèf Info

PS.
*Serge Jean est un nom d’emprunt pour préserver l’identité de la victime